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La Suisse : futur leader européen dans le recyclage des panneaux solaires ?

Recyclage de panneaux solaires

Qu’arrive-t-il à un panneau photovoltaïque une fois arrivé en fin de vie ? Quels sont les éléments qui le composent et dans quelle mesure sont-ils recyclables et recyclés ? Explications.

L'essentiel en 3 points :

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En Suisse, les panneaux photovoltaïques modernes, composés de matériaux recyclables à environ 95 %, bénéficient d’un cycle de vie optimisé grâce à des filières de collecte bien établies.

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Le pays se distingue dans le recyclage photovoltaïque avec des initiatives qui visent à récupérer le silicium, le verre et les métaux précieux. Différents acteurs se positionnent pour rendre la filière photovoltaïque encore plus durable.

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Des défis de taille restent de mise, dont les coûts élevés des processus de recyclage et les volumes très importants à traiter dans un avenir proche.

Face à l'essor rapide des énergies renouvelables, le recyclage des panneaux photovoltaïques devient un enjeu crucial pour assurer la durabilité et réduire les déchets liés à l’expansion de la filière solaire. En Europe, la Suisse se positionne comme un pays innovant dans ce créneau, notamment grâce au développement de technologies avancées dans le recyclage photovoltaïque. Des solutions novatrices, nées de l’étroit maillage entre acteurs économiques et de la recherche, qui permettent autant de gérer l’entier du cycle de vie des panneaux solaires à des fins durables que d’en exploiter chaque étape à des fins économiques, en faisant ainsi un secteur prometteur.

Un enjeu environnemental majeur

En raison du boom solaire actuel, d'ici à 2050, une quantité croissante de panneaux solaires arrivés en fin de vie devra être recyclée dans le monde. Certaines estimations avancent un volume colossal de 78 millions de tonnes à traiter d’ici-là à l’échelle globale. Actuellement, la durée de vie moyenne d'un panneau est de 25 à 30 ans, et de nombreuses installations datant des années 1990 approchent de leur limite. Recyclés correctement, ces panneaux peuvent permettre la récupération de matériaux précieux comme le silicium, l'argent ou l’aluminium. Sur la scène internationale, le marché du recyclage photovoltaïque est ainsi estimé à 15 milliards de dollars.

En Suisse, environ 95 % des matériaux d'un panneau récent sont techniquement recyclables, mais le taux réel de recyclage reste à optimiser. Les initiatives locales, pilotées par des entreprises et centres de recherche, visent à atteindre des taux de recyclage encore plus élevés tout en réduisant les coûts énergétiques et logistiques qui, aujourd’hui, constituent encore un certain obstacle. Principalement composés de verre, de silicium et d'une fine couche de métaux conducteurs comme l'argent ou encore l’étain, les panneaux solaires usagers sont collectés grâce aux filières de récupération des déchets.

Fonctionnement et financement

Le fonctionnement du recyclage des panneaux photovoltaïques en Suisse repose sur les centres de collecte existants où déposer les produits usagés. Comme pour l’élimination des appareils électriques, celle des modules solaires est régie par l’ordonnance sur la restitution, la reprise et l’élimination des appareils électriques et électroniques (OREA). Au niveau économique, la taxe anticipée de recyclage (TAR), par ailleurs déjà comprise dans le prix d’achat des panneaux solaires qui sont mis en vente sur le territoire suisse, offre ainsi la possibilité de remettre gratuitement ses panneaux photovoltaïques usagés ou défectueux dans les centres de collecte.

En termes opérationnels, c’est la fondation SENS eRecycling qui prend en charge le recyclage des panneaux photovoltaïques en Suisse, et cela depuis 2014. Une organisation dont le rôle et la responsabilité consistent à organiser et financer le recyclage des panneaux usagés. La fondation supervise ainsi la récupération des panneaux dans les différents centres de tri, en gérant les étapes qui interviennent entre l’acheminement des modules vers les entreprises spécialisées dans le recyclage jusqu’à leur remise en vente sur le marché. Le financement de ces opérations reposant essentiellement sur la TAR.

Dans la pratique, la collecte des panneaux photovoltaïques usagés se déroule depuis leur remise dans les centres de tri. Une opération couverte par la TAR. Il reste cependant possible de faire appel à un prestataire de services de ramassage, avec un minimum de dix panneaux afin de profiter de ce service. La Suisse ambitionne en outre d’étendre les collectes de panneaux usagés dans l’ensemble du territoire. Pour cela, les organes officiels encouragent les entreprises du secteur à se constituer en centres mutuels de collecte officielle auprès de la fondation SENS.

Les défis à relever

Malgré ces bonnes pratiques, plusieurs défis subsistent, à commencer par la mise en place de véritables circuits de recyclage et de revalorisation, outre ceux de collecte et d’élimination actuellement en vigueur. Et les coûts constituent encore un obstacle. En effet, le recyclage reste une opération onéreuse. Les recherches en cours visent à réduire ces coûts tout en maintenant un haut niveau de récupération des matériaux. Autre défi auquel se préparer : les volumes à traiter. Car avec l'augmentation rapide des installations photovoltaïques, les infrastructures de recyclage devront être en mesure de suivre le rythme. Enfin, la conformité avec les normes européennes doit aussi être observée, et cela par tous les acteurs concernés. Une harmonisation internationale nécessaire, qui doit permettre de faire concilier les réglementations entre les pays, en particulier pour développer une filière de recyclage compétitive à l’échelle européenne.

L’année dernière, le directeur de la fondation SENS eRecycling Pasqual Zopp évoquait au micro de la RTS que, durant ces prochaines années, entre l’innovation des processus attendus dans le recyclage photovoltaïque et les quantités énormes à traiter, de nombreuses entreprises devraient être amenées à se positionner dans ce créneau. Une dynamique qui, en termes économiques, devrait se traduire par une diminution des coûts et une généralisation progressive des mesures de recyclage. 


Trois questions à Ässia Boukhatmi, doctorante et collaboratrice scientifique de la Haute école spécialisée bernoise

Parmi les initiatives helvétiques pionnières en matière de recyclage solaire, le projet «SwissPVcircle» - une collaboration menée par la Haute école spécialisée bernoise, SENS eRecycling et Swisssolar - vise à donner une seconde vie aux modules photovoltaïques. La doctorante et collaboratrice scientifique de la Haute école spécialisée bernoise Ässia Boukhatmi nous en dit davantage.

Le photovoltaïque connaît une forte croissance en Suisse. Quelles sont les plus grandes difficultés rencontrées en matière de recyclage ?

L’augmentation de nouvelles installations PV engendre en effet de grands défis concernant la gestion de quantités croissantes de modules mis au rebut qui, à la fin de leur durée de vie, arrivent dans le flux des déchets. Selon les prévisions, la quantité de déchets photovoltaïques produits en Suisse continuera d’augmenter fortement. Jusqu’à 50 % de ces modules seraient utilisables une deuxième fois, mais ils sont souvent endommagés lors de manipulations inappropriées après leur démontage, ou ne sont pas suffisamment contrôlés pour avoir droit à un autre cycle de vie. Ces difficultés sont dues à un échange de données insuffisant entre les différents acteurs et les phases de la chaîne de création de valeur des modules PV en Suisse. Outre les problèmes qui apparaissent à la fin du cycle de vie, il convient de tenir compte du fait que la majeure partie des modules PV installés en Europe sont importés essentiellement d’Asie et qu’ils sont vendus à des prix défiant toute concurrence. En raison d’une chaîne de production opaque et de transports longs, ces modules sont écologiquement et socialement moins durables que ceux des fabricants européens.

Que faut-il faire pour permettre une avancée décisive dans le domaine du photovoltaïque et l’établissement d’une véritable économie circulaire ?

Il faut tenir compte ici de deux aspects importants :  il convient tout d’abord de mettre en place des modèles économiques compatibles avec une économie circulaire, afin de permettre la réutilisation des modules PV en Suisse et de la rendre intéressante pour leurs acquéreurs. Ceci implique la création de l’infrastructure nécessaire proposant un démontage et un stockage professionnels, les tests de réutilisation et une réinstallation sûre. Dans le meilleur des cas, ces étapes intermédiaires doivent être aussi peu coûteuses que possible pour que le prix d’un module d’occasion soit inférieur à celui d’un neuf. De plus, ce modèle économique doit s’appuyer sur les informations concernant les modules PV et leur origine, afin de disposer de déclarations plus efficaces quant à la stratégie circulaire adaptée (réutilisation ou recyclage) dès la première utilisation des modules. Les informations relatives à la phase d’installation sont décisives ici pour permettre ces évaluations. À long terme, les modules PV devraient en outre être dotés d’un passeport produit permettant aux acteurs de la création de valeur en aval, parmi lesquels les recycleurs, d’accéder à toutes les informations pertinentes pour une gestion efficace de la fin de vie des modules. Notre équipe de la Haute école spécialisée bernoise souhaiterait désormais soutenir le projet d’établissement d’une réutilisation fondée sur les données en Suisse en collaboration avec SENS eRecycling, Swissolar et d’autres partenaires du secteur de l’énergie solaire et, dans un premier temps, élaborer le business case et la base de données que cela requiert.

En tant que consommateur, comment contribuer à ce que le développement du photovoltaïque en Suisse se fasse de manière aussi durable que possible ?

Le principal levier dont dispose le consommateur est sa décision d’achat, c’est-à-dire la décision d’acheter un module PV « durable ». Les certifications confirment la conformité de la chaîne d’approvisionnement et le maintien de la valeur des matériaux après la première utilisation. De plus, certains fabricants européens se positionnent avec une chaîne d’approvisionnement et de production durable et transparente, y compris l’achat de silicium provenant d’Europe et la fabrication de modules PV à l’aide d’énergie provenant de sources renouvelables. Les consommateurs peuvent également contribuer en remplaçant uniquement quelques modules et non le système entier lorsque leur installation PV est endommagée par la grêle, par exemple. Ils évitent ainsi la production de déchets photovoltaïques inutiles et utilisent leurs systèmes de la manière la plus efficace possible. En Suisse, nous ne sommes qu’au tout début du chemin qui mène à une société fonctionnant de manière circulaire. C’est pourquoi il est important que tous les acteurs du secteur de l’énergie solaire et les consommateurs agissent dans le même sens pour faire avancer la thématique en tenant compte de tous les aspects économiques, écologiques et sociétaux. Avec notre projet « SwissPVcircle », nous aimerions donc prendre des mesures importantes en collaboration avec Sens eRecycling et Swissolar pour nous rapprocher de cette vision.


En tant que source d'information, le blog de Romande Energie offre une diversité d'opinions sur des thèmes énergétiques variés. Rédigés en partie par des indépendants, les articles publiés ne représentent pas nécessairement la position de l'entreprise. Notre objectif consiste à diffuser des informations de natures différentes pour encourager une réflexion approfondie et promouvoir un dialogue ouvert au sein de notre communauté.

Thomas Pfefferlé
Rédigé par Thomas Pfefferlé · Journaliste innovation indépendant

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