Tarification dynamique : l’art du juste prix

Évidemment, cette disponibilité élevée de l'électricité a un coût, et celui-ci est croissant. En effet, avant l'essor des énergies renouvelables, la production d'électricité était essentiellement pilotable. Il suffisait d'abaisser ou augmenter la production pour garantir la synchronisation avec la consommation. Désormais, la production d'énergie est elle aussi intermittente : en plus d’ajuster la production à la consommation, il faut aussi considérer la disponibilité de cette production, et l'équation n'en devient que plus complexe.

Le double tarif heures pleines / heures creuses est l’aïeul, toujours en vie, de la tarification dynamique. Il permet par exemple de programmer la production d'eau chaude la nuit, lorsqu’il y a peu de consommation. Mais avec la percée du solaire, la situation s’est inversée lors de certaines journées ensoleillées. Ce type de tarification est donc moins adapté à la variabilité de la production, car celle-ci dépend non seulement des heures de la journée, mais aussi de la météo. Il peut y avoir une forte variation du jour au lendemain, et c’est là que la tarification dynamique peut être un atout majeur.

La tarification dynamique est une offre dont le prix varie en fonction de l’état de charge du réseau. Elle ne concerne que la rémunération de l’utilisation du réseau régional, pour l’acheminement de l’énergie jusqu’à votre domicile. Le prix de l’énergie elle-même n’est pas concernée. Cette tarification permet donc d'envoyer un signal prix au consommateur pour qu'il ajuste sa consommation aux périodes où l'électricité disponible est abondante. Par exemple, l’acheminement serait très bon marché un week-end d’été, lorsqu’il y a peu de consommation et une forte production solaire. À l’inverse, il pourrait être plus cher lors de fraîches soirées hivernales.

Pour que le client puisse ajuster sa consommation en conséquence, les prix doivent être communiqués à l’avance, par exemple la veille. Un prix différent est attribué pour chaque période 15 minutes selon les prévisions de charge. Stéphane Dätwyler Duarte, chargé de développement stratégique chez Romande Energie, a la responsabilité de déployer un projet pilote pour tester cette offre. Il nous explique qu’« avant 2023, Romande Energie n’avait jamais eu d’excédents solaires. En 2024, cela arrive fréquemment lors des week-ends ensoleillés. » Ces excédents solaires représentent un coût pour le réseau, qui est finalement répercuté sur l’ensemble des consommateurs. En conséquence, compte tenu des ambitions solaires suisses, la nouvelle loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl) fait la part belle à la tarification dynamique et incite les gestionnaires de réseau à créer une telle offre.

Pour S. Dätwyler Duarte, « de bonnes prévisions, la veille pour le lendemain, sont la clé du succès. Il est également important que l’offre soit simple et claire pour nos clients. ». Mais il existe d’autres enjeux qui justifient le déploiement préalable d’un projet pilote et une mise en application au plus tôt en 2027. Notamment, les contraintes du réseau sont très localisées, et une tarification dynamique parfaite serait différente pour chaque consommateur. « Il est important que l’offre ne soit pas discriminatoire », selon l’expert. « Il est donc probable, dans un premier temps, que les tarifs soient identiques sur toute la zone de desserte. La loi autorise cependant les gestionnaires de réseau à créer différents groupes de clients avec des habitudes de consommation similaires, qui permettraient une tarification différenciée en fonction de paramètres géographiques ».

Pour le consommateur intéressé, il peut s’agir d’une aubaine pour réduire sa facture. Cependant, « même si l’offre serait ouverte à tous, il est nécessaire d’évaluer ses capacités d’ajuster sa demande d’électricité avant d’y souscrire ». En effet, un client qui consommerait essentiellement aux heures les plus chères verrait sa facture augmenter. À l’inverse, le même client qui dispose de moyens de flexibilité, comme une batterie, une pompe à chaleur, un ballon de stockage, ou une voiture électrique, pourra en tirer un bénéfice intéressant. Même si ce n’est pas un prérequis exigé par la loi ou le gestionnaire de réseau, il est très fortement recommandé de s’équiper d’un dispositif de gestion et pilotage de ces équipements flexibles en temps réel en fonction du tarif d’utilisation du réseau.

Les producteurs d’électricité photovoltaïque savent qu’ils consomment une partie de leur production (autoconsommation) et que l’excédent est injecté dans le réseau. Mais avec la révision de la loi, on peut s’attendre à une baisse importante du prix de reprise pour l’énergie injectée, bien loin des niveaux constatés depuis la crise énergétique. Dans ce contexte, le bénéfice de l’installation solaire devient très dépendant de cette « autoconsommation ». Si le producteur souscrit à une offre de tarification dynamique, cela veut dire que son approvisionnement pourrait être très bon marché lors des périodes où il y a beaucoup de soleil, et c’est là que le bât blesse : c’est justement à ce moment-là qu’il consomme sa production solaire. Il ne bénéficie donc pas des tarifs dynamiques les plus attractifs car il consomme à ces périodes son énergie photovoltaïque. Les économies réalisées grâce à la production photovoltaïque se réduisent alors à peau de chagrin.

La solution la plus efficace est alors de déplacer sa consommation propre à des périodes où le tarif dynamique est élevé. En installant des batteries, le producteur stocke sa propre énergie au moment où les tarifs sont bas, pour la consommer lors des périodes de pointe. L’efficacité des batteries est très élevée, et les prix sont en baisse continue. Il est cependant nécessaire qu’elles puissent être pilotées en fonction des tarifs, et qu’elles soient suffisamment dimensionnées. Une évaluation préalable de la rentabilité est donc indispensable.

Développer une tarification qui encourage les consommateurs à s’adapter aux contraintes des producteurs et distributeurs d’énergie est primordial pour assurer une transition énergétique efficace. La tarification dynamique, qui fait l’objet d’un projet pilote chez Romande Energie, peut répondre efficacement à ce besoin.

Déplacer les consommations est un atout important pour soulager localement le réseau et réduire les coûts de la transition énergétique, qui sont répercutés sur l’ensemble de la clientèle. L’efficacité de la tarification dépendra cependant largement du déploiement et de la valeur donnée à cette flexibilité apportée par les véhicules électriques, batteries ou pompes à chaleur. Il est important également de limiter l’effet rebond associé à des tarifs bas la journée, et ne pas chercher à « surconsommer » pour profiter d’un prix attractif. Cette tarification ne remplace ni l’efficacité, ni la sobriété énergétique, mais peut accompagner efficacement le déploiement de la production renouvelable.

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